Si les domaines d’activité des African Globalizers sont variés, de la finance à la téléphonie en passant par les matières premières et la distribution, il n’en est pas de même pour leur origine : sur les 30 entreprises retenues, 22 sont sud-africaines. Une exception géographique liée en partie à l’histoire du pays : « Les sanctions économiques internationales infligées au régime d’apartheid ont forcé les entreprises sud-africaines à investir localement, les unes dans les autres, créant des conglomérats solides et prêts à se déployer à l’international après la libération de Nelson Mandela », indique le rapport.

Mais Michael Kottoh souhaite aller plus loin dans une prochaine étude : « Nous avons expliqué comment les sanctions de l’apartheid pouvaient paradoxalement avoir aidé les entreprises sud-africaines. Maintenant, il faut prendre le problème dans l’autre sens, et comprendre pourquoi c’est si difficile pour les autres entreprises africaines de dépasser les frontières du continent », commente-t-il.

L’étude de Konfidants, qui se base sur des chiffres de 2016, place Steinhoff International en 7e position du classement des AfroChampions. Or, entre le travail des analystes et la publication de l’étude, le groupe s'est écroulé en raison d'irrégularités comptables, qui vont provoquer une révision des comptes financiers de 2016 (ainsi que ceux de 2015 et 2017). Entre les premières déclarations, en décembre, et la fin du mois de janvier, les principaux dirigeants de l'entreprise ont été remplacés, la capitalisation boursière du groupe a chuté de 89 % et sa note a été dégradée par l’agence Moody’s. Michael Kottoh pense pourtant que Steinhoff « est capable de se relever ».

En attendant, l’analyste affirme qu’« il y a beaucoup de leçons à tirer » de cette globalisation tout azimut. « Ils ont vu trop gros, trop vite, sans vouloir se plier aux règles de transparence internationale. Alors bien sûr qu’il est toujours possible de s’essayer à la comptabilité créative, mais il faut être lucide : arrivé à un certain niveau, on ne pourra plus le cacher. »

Autre cas d’école : celui d’Old Mutual, qui arrive à la 4e position de l’index, mais qui s’est depuis lancé dans une gigantesque opération de vente de ses participations étrangères. « Ils se sont rendus compte que les coûts engendrés par une stratégie globale étaient intenables », explique Michael Kottoh.

Si les AfroChampions sont tous présents dans la plupart des pays du globe, de la Syrie au Luxembourg et du Mexique à la Chine, le cabinet Konfidants constate que leur empreinte est plus marquée sur les marchés développés (où ils totalisent 113 filiales) que dans les pays émergents (dans lesquels ils en comptent 97). Ainsi, c’est le Royaume-Uni qui compte sur son sol le plus de filiales d’entreprises africaines (15), suivi par les États-Unis (14) et les Pays-Bas.

« C’est une autre piste qu’il nous faudra creuser dans le prochain rapport, car c’est contraire à la dynamique historique, qui voudrait qu’une entreprise créée sur un marché émergent se développe d’abord dans d’autres pays émergents, avant d’aborder les marchés avancés, qui demandent souvent de plus grandes capacités technologiques et managériales. Pour moi, c’est une preuve que les groupes africains ont des structures bien plus complexes que ce qu’on a tendance à penser », commente Michael Kottoh.

S’ils apparaissent au nombre des 30 AfroChampions repérés par Konfidants, le marocain Ynna Holdings et l'algérien Cevital échappent pourtant au classement. En cause, des « données incomplètes », concernant notamment la part du chiffre d’affaires de ces entreprises générés à l’extérieur du continent. « Nous avons eu des informations sur leurs filiales et leurs activités, mais pas de retour sur ces chiffres », précise Michael Kottoh.

Le document précise qu’outre Cevital, dont le dernier rapport financier disponible est celui de 2013, le cabinet a dû travailler avec des données datant de 2014 pour le marocain OCP et de 2015 pour l’égyptien Global Telecom Holdings – contre les chiffres de 2016 pour les autres entreprises étudiées.

« Aucune des 30 entreprises citées ne figure sur la liste Fortune Global 500, alors que plus de 100 entreprises chinoises y apparaissent », déplore le rapport de Konfidants. Il faudrait en effet que l’entreprise du classement ayant le chiffre d’affaires le plus important, en l’occurrence MTN avec ses 10,8 milliards de dollars, double ses revenus pour pouvoir rivaliser avec le dernier du classement 2017, l’américain AutoNation et ses 22 milliards de dollars de chiffre d’affaires.